Bébé, de la maternité à la maison

Sonia Krief, auxiliaire de puériculture, conceptrice de la « Thalasso bain bébé » et formatrice de sa méthode, se consacre à l’art du maternage pour accueillir les tout-petits avec douceur et bienveillance après le choc de la naissance. Dans son ouvrage*, elle met à profit son expérience pour guider les parents en amont et pendant le premier mois de vie de leur nouveau-né. Celle qui s’intitule « l’interprète des bébés » y donne une large place à la dimension psychoaffective contenue dans les gestes prodigués au fil des jours au nourrisson.

 

Trouvez-vous les accouchements et les naissances trop médicalisés ?

Sonia Krief : Si l’accouchement se déroule bien, ce qui est le cas la plupart du temps, on peut considérer qu’il est trop médicalisé. Bien entendu, on gagne en sécurité, mais a-t-on besoin de sécuriser à ce point ce qui pourrait être physiologique ? Lorsqu’une maternité de nos jours propose de programmer un accouchement systématiquement à 39 semaines, qui donnera d’ailleurs des contractions plus douloureuses à la maman, au lieu d’attendre que le bébé déclenche sa naissance lorsqu’il est prêt, on peut s’interroger sur l’incidence d’un tel acte pour ce petit être. Je me demande pourquoi 39 semaines, si naturellement la naissance serait intervenue à 40 ou 41 semaines ? Si tout va bien, pourquoi ne pas laisser cet événement se dérouler à son rythme ? Depuis que les médecins ont pris le contrôle des naissances, qui étaient autrefois une affaire de matrones, de sages-femmes et de femmes entre elles tout simplement, l’aspect médicalisé a pris toute la place autour de ce moment qui pourrait simplement donner lieu la plupart du temps à un accompagnement du corps et du mental de la parturiente. La demande des femmes existe en la matière, mais les changements de paradigmes sont très lents. Néanmoins, des salles « nature » ou physiologiques fleurissent enfin un peu dans les maternités, qui disposent évidemment aussi de toute la structure nécessaire pour intervenir au plan médical.

 

Vous préconisez d’établir un « projet de naissance ». De quoi s’agit-il ?

S.K. : Afin que les parents soient acteurs de la naissance à venir, ils doivent se renseigner bien en amont sur les possibilités qui s’offrent à eux, avec l’obstétricien et la sage-femme, pour ne pas seulement subir l’accouchement, sans oublier toutefois que leur projet peut être contrecarré par un imprévu. Réfléchir à la manière d’accueillir son bébé fait partie de cette démarche. Imaginer son émotion de petit être humain, envisager qu’il puisse ressentir de la peur, de la douleur, de l’angoisse au moment de sa naissance crée déjà le lien avec lui.  

 

Vous prônez la méthode du peau à peau. Quels sont ses bienfaits ?

S.K. : C’est le plus grand progrès dans l’accueil fait au bébé, mais on n’a rien inventé. De même pour le maternage, ces pratiques ont été oubliées, mais reviennent aujourd’hui dépoussiérées. Le peau à peau va rassurer, réchauffer, réguler le rythme cardiaque du bébé et son oxygénation s’il a été un peu bousculé au moment de naître, et va faciliter la prolifération des bons probiotiques, car il va frotter sa bouche contre la peau de sa maman. En outre, il va favoriser le lien d’attachement. C’est un courant électrique émotionnel !

 

Est-il possible de tenter l’expérience de la tétée sans y donner suite ?

S.K. : En salle de naissance, la tétée est toujours proposée aux mamans. Mais, si je reçois un non catégorique, je comprends que la maman a ses raisons, et pas nécessairement envie de les développer. Je n’insiste pas. Certaines femmes n’iront pas plus loin que la première tétée. D’autres essaieront plusieurs fois, continueront ou pas. Il arrive qu’une femme regrette au bout de quelques jours de ne pas donner le sein, et commence à allaiter. Le principal est d’ouvrir la discussion et de rassurer les mamans. Le sujet est la maternité, un phénomène naturel et joyeux en général. Or, trop d’injonctions empêchent les parents de créer une bonne relation avec leur bébé. Ils ont peur de tout mal faire. Ils doivent se faire confiance.

 

Vous prodiguez aux nourrissons un « Thalasso bain bébé ». De quel constat est-il né ?

S.K. : Je l’appelle un bain parce que l’élément principal est l’eau. Un soin parce qu’il améliore ou répare le lien d’attachement. Il rassemble ces trois principes. Très longtemps, les professionnels ont ignoré les pleurs des nouveau-nés au moment du premier bain et trouvé normal qu’ils pleurent de peur et de froid. Le bébé a peur parce qu’il n’est pas contenu, il a froid parce qu’il est savonné avant d’être baigné. Une pratique qui perdure encore dans certaines maternités. Il faut savoir qu’un nourrisson nu, savonné hors de l’eau dans une salle de bain à 23 degrés, vit la même sensation qu’un adulte nu et mouillé dans une pièce à zéro degré. J’ai été la première à m’interroger sur la manière dont ce bain était donné, et cherché à mettre en application une méthode plus adaptée à leur bien-être, d’autant qu’il me paraissait peu vraisemblable qu’après neuf mois passés dans un milieu aqueux, ils n’en gardent aucun souvenir à la naissance. Alors, j’ai souhaité reproduire pour le bébé la sensation de bien-être vécue dans le ventre maternel. Je le ramène « chez lui », je suis là pour lui. Je lui parle de sa naissance, de ce bouleversement vécu, de cette expérience certainement unique dans la vie de chacun. Je lui propose de rejouer la scène tranquillement, en le contenant dans l’eau avec mes mains et mes bras. Je le rassure, ce bain est son bain, un temps dédié à son histoire. Si sa naissance a été difficile, s’il y a eu utilisation de forceps, s’il y a eu une césarienne non prévue… j’évoque sa probable souffrance, sa peur, le stress vécu… avant qu’il ne retrouve les bras de sa maman après ce moment de lâcher-prise, de détente, destiné à le délester de ses émotions. En soulageant le nouveau-né, je soulage aussi sa maman, leurs émotions sont indissociables. Ce bain qui améliore le lien d’attachement peut être réalisé rapidement après la naissance, à deux jours lors du premier bain, ou à huit jours. Surtout si l’accouchement a été difficile, il ne faut pas attendre.

 

Quels conseils donnez-vous aux parents à propos du bain ?

S.K. : Avant de prendre son bain, bébé ne doit surtout pas avoir faim afin de l’apprécier. Il s’agit de son premier besoin. Puis il doit avoir bien chaud. La salle de bains doit être à 23 ou 24 degrés, et son ventre doit être bien immergé dans une eau à 37 degrés pour qu’il n’ait pas froid. Son corps doit être contenu dans un petit lange afin qu’il ne soit pas perdu dans un espace sans limites. Une minute avant la sortie du bain, on le savonne. Lenteur et douceur contribuent à ce moment de plaisir partagé.

 

Prendre son temps avec bébé, est-ce le secret d’un bon maternage ?

S.K. : Oui, il faut de la lenteur, de la patience, de l’observation. Le rythme de vie actuel va trop vite, il ne convient pas à bébé. Prenons conscience qu’il a des émotions, qu’il ressent celles de ses parents, qu’il a besoin de sécurité, de douceur, d’attention. La douleur émotionnelle existe chez le nourrisson, ne l’oublions pas !

 

Comment crée-t-on le lien avec un nouveau-né ?

S.K. : Il faut privilégier l’intention quel que soit le mode d’expression, verbal ou non. Un échange de regards peut avoir une grande intensité. Les mains qui caressent, massent, permettent de prendre contact, transmettent des messages. Les bras qui bercent, les chansons fredonnées, les mots prononcés, expriment les sentiments. Le bébé a la faculté de ressentir la joie, la peine, le doute… Par exemple, une maman peut raconter à son bébé, qui l’entend et l’écoute, une émotion difficile liée à la naissance. La lui expliquer agit sur l’un et l’autre, et libère les blocages.

 

Peut-on le laisser pleurer longtemps ?

S.K. : Non, un nouveau-né n’est pas programmé pour pleurer pour rien. Il pleure s’il a faim, si un rot est coincé, s’il a mal au ventre… De plus, il est couché sur le dos, ce n’est pas une position physiologique pour lui qui a été enroulé pendant 9 mois. Lui parler, le câliner, est essentiel pour son bon développement. Bébé a besoin d’être rassuré et réconforté. Il est totalement dépendant de nous pour calmer ses émotions. À nous d’y parvenir. Toutefois, on n’a rien trouvé de mieux que de porter son petit pour calmer ses pleurs. Là encore, on n’a rien inventé ! S’il est inconsolable, il pleurera, mais accompagné. On ne le laissera pas abandonné tout seul dans son coin, c’est néfaste pour sa future confiance en soi. S’il reste seul pendant qu’il pleure, son corps sera inondé d’hormones de stress et il se dégagera une mauvaise énergie pour son cerveau.

 

Si le retour à la maison est difficile, que recommandez-vous ?

S.K. : Par exemple, pour la physiologie du bébé, mais aussi pour la maman qui ne doit pas se faire mal au dos, il faut savoir bien porter. Il existe de nombreux tutos qui permettent d’apprendre à nouer une écharpe de portage, de bien l’installer et de bien y positionner le bébé, qui adorera être niché contre sa maman. Mais, si celle-ci ne se sent pas à l’aise avec la grande longueur de ce tissu, ce qui arrive fréquemment, des ateliers sont initiés pour expliquer en petits groupes comment faire. Les PMI dispensent aussi gratuitement cette formation et bien d’autres aux parents. Il ne faut jamais hésiter à faire des démarches pour se faire aider une fois à la maison. Un léger accompagnement pourra être bénéfique à la maman afin qu’elle se sente écoutée, aidée et tranquillisée. D’ailleurs, pourquoi ne pas envisager, plutôt que de faire un cadeau de naissance classique, d’offrir aux femmes un atelier de portage, de massage, d’allaitement, de bain thalasso… et des heures de ménage pour qu’elles soient moins fatiguées, ou pendant deux jours d’offrir des livraisons de dîners en amoureux pour les parents. Changer nos habitudes en cette matière serait intéressant.

 

Quels sont les objectifs des formations dispensées dans votre école** ?

S.K. : Être accompagnante en parentalité est une pratique qui se développe. Ces professionnelles de santé, diplômées d’État, expérimentées, se déplacent à domicile et peuvent aborder tous les sujets grâce à leur expertise et à leur bienveillance. Elles exercent dans toutes régions. À l’École du Bien Naître**, que j’ai fondée avec deux autres protagonistes, nous proposons vingt formations différentes, qui sont suivies par des sages-femmes, des infirmières, des ostéopathes, des puéricultrices… 200 ou 300 personnes y sont formées chaque mois. C’est l’école de l’émotion, notre métier est au cœur de l’humain, notre objectif est d’écouter, rassurer, guider les mamans, sans jamais rien imposer. À l’heure du rendement exigé dans leur domaine professionnel et des protocoles qui s’y attachent, ces femmes ont choisi de créer leur entreprise pour s’épanouir, pour avoir la liberté de penser et d’agir, pour prendre le temps nécessaire avec une maman et son bébé. Notre école est la communauté des ambassadrices du bien naître.

*« J’accueille mon bébé, 30 premiers jours essentiels pour créer du lien », paru aux édition Albin Michel.

** Pour toutes informations : lecoledubiennaitre.com et mespremiersjours.com

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